6 Questions à Mado

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Cette nouvelle série d’articles met en avant des personnalités audacieuses qui ont décidé de vivre en dehors des sentiers battus.

Depuis la seconde moitié des années 80, Luc Provost, mieux connu sous le nom de scène Mado, a été la figure de proue quant à l’établissement de la communauté ouverte et théâtrale Drag de Montréal. Comme  Tam Tams et la viande fumée, Mado est reconnue comme étant un emblème de la ville. Le personnage de Provost si charismatique enchante les touristes et les Montréalais depuis plus de 30 ans, avec ses costumes irréels et sa personnalité culottée.

De plusieurs façons, Mado Lamotte a été le moteur dans la création de cette culture où les drag queens sont vénérées en tant que personnages théâtraux, et non pas traitées comme des spécimens bizarres que l’on tient éloignés. N’importe quelle soirée, une visite au Cabaret Mado (la place portant son nom dans le Village) vous révèlera une foule diversifiée et tapageuse, prête à se faire embarquer dans un monde d’hilarité, d’absurdité et d’humour.

Nous pouvons être désarmés face à l’effronterie et la rapidité de Mado, mais sous ses innombrables tenues et son côté théâtrale flamboyant, elle représente l’esprit hilarant et impénétrable de la féminité.

Nous avons discuté avec Luc Provost de l’évolution de Mado, de son art et de la façon de se créer une place dans une communauté où l’on est pionnier.

Comment as-tu créé Mado?

J’ai étudié le théâtre à l’UQAM, puis j’ai rapidement commencé à travailler dans les bars. Mado était à la base une blague, jusqu’à ce que je décide de prendre ce personnage au sérieux. J’ai doucement commencé à créer sa personnalité et je l’ai rendue réelle. Elle était d’abord ta voisine super amicale, mais tellement kitsch : Tante Mado, Ma tante.

Ensuite, elle est devenue beaucoup plus mauvaise. Elle est passée d’âge mûr à adolescente. Puis elle est devenue glamour. Je voulais plus devenir une diva, extravagante. Je me suis trouvé un styliste personnel qui m’a confectionné tous mes costumes. C’est toujours extravagant. Je suis devenue plus une Madame, mon cabaret était mon propre bordel où mes drag queens étaient « mes filles ».

Mado est une femme qui aura toujours 29 ans. Elle est une diva très gentille et sympathique.

Cela fait 30 ans que tu es Mado. Comment les gens ont-ils réagi lorsque tu as commencé? Était-ce facile de trouver sa place dans la communauté LGBT?

À la base, on ne savait pas comment nous appeler. Les bêtes curieuses de la nuit, bizarres, spéciaux… il y avait beaucoup de manière de nous présenter.

À ce moment-là, le terme « gay » incluait tout le monde. Je suis donc arrivée dans le Village en tant que Mado, mais je n’étais pas à l’aise. Ils pensaient qu’on se moquait des hommes qui se travestissent, mais ce n’était pas le cas. Le Drag, c’est plus une parodie de l’art, de la comédie.

On ne trouvait pas notre place facilement dans les bars du quartier. On entendait souvent « oh, cette salope du Plateau-Mont-Royal qui se moque des gens du Village ». C’est seulement en 1994, au Sky Bar, que je me suis réellement révélé dans mon personnage drag.

Comment a débuté  le Cabaret Mado? Était-ce un soulagement d’avoir ta propre place?

Deux entrepreneurs m’ont approché en 2002 avec cette idée d’ouvrir un cabaret. Dans les bars où je me produisais, c’est moi qui m’occupais de l’organisation. Après, les saouls m’attrapaient et m’emmenaient vers le bar et je me disais :  fille, ne touche pas mes cheveux.  Mon art, c’est la performance, pas boire en public. J’ai besoin de la scène.

J’ai commencé à faire des spectacles avec un pianiste appelé « Mado Unplugged » et « The Lounge ». Sans ces deux spectacles, je ne pourrais pas être sur scène tout le temps. Ce serait trop pareil.

C’était comment la tournée dans les provinces, plus spécifiquement dans les petites villes?

Pour être honnête, on pensait que le monde aurait peur de nous. Mais la curiosité s’est transformée en respect. Tout le monde nous traitait comme des artistes venant de Montréal, du coup, nous étions accueillis avec un tapis rouge.

Si vous dites quelque chose de mauvais à Mado, elle est rapide, elle vous répondra du tac au tac. C’est sans doute pour cela que je n’ai pas entendu ou ressenti de commentaires négatifs. En rendant mon personnage plus grand que nature, on a peur de m’insulter. On n’insulte pas une reine.

Qu’est-ce que Mado te permet de faire dans ta carrière? Est-ce que tu voyages et joues en dehors de Montréal ou du Canada?

Tout à fait. Mado sort de Montréal. La communauté canadienne LGBT connait Mado et elle commence à être connue dans le monde. J’ai voyagé beaucoup : Paris, Bruxelles, Sydney pour les « Gay Games », Toronto, Calgary, Halifax.

Je fais beaucoup d’autres choses aussi. J’ai écrit un spectacle de stand up qui consiste seulement en un monologue et quelques chansons. Je fais du théâtre, je travaille aussi pour Juste Pour Rire pour qui je présente le « Mado’s got Talent » et c’est un gros défi. Si je ne faisais que les spectacles de drag, je m’ennuierais.

Qui est Luc Provost quand il n’est pas un personnage? Il divertit les foules?

Mado n’est pas un mode de vie pour moi. Lorsque je suis à la maison et si vous veniez chez moi, vous seriez incapables de savoir ce que je fais dans la vie. Il n’y a aucune photo de Mado accrochées au mur.

Je vis dans le Village. Je m’entraîne, je fais pas mal de vélo et j’aime me rendre au gym. Je voyage beaucoup quand j’ai du temps libre. Je passe la moitié de mon temps à écrire et apprendre mes textes pour mes spectacles, je fais tout ce qui est relié aux médias. Je cuisine aussi! J’aime passer du temps seul, je lis beaucoup. Je ne regarde pas trop la télévision, mais par contre, je viens de m’inscrire à Netflix.

Nous, les Montréalais, nous sommes tous les mêmes. Quand on quitte la ville, les deux choses qui vont le plus nous manquer sont la poutine et… Mado.

Écrit par: Neha Chandrachud